mercredi 30 juin 2010

Le Françafricain

Il est né au Sénégal, y a passé toute sa vie. Il est ami avec des hauts-fonctionnaires, et achète les autres. Il est français. Il est françafricain, comme je pensais qu'ils avaient disparus avec les années 80.
Nous avons rendez-vous avec lui. Deng xiaoping est un peu nerveux. Apparemment il y a une longue histoire de coups de pute entre eux, mais l'ami Deng est de ceux qui pensent qu'il faut être proche de ses amis, et plus proche encore de ses ennemis. Il appelle donc son Françafricain de temps à autre pour savoir ce qui se passe dans les gouvernments de la région.
- Comment il fait pour avoir toutes ces infos? demande-je naïvement.
- Il est ami avec la moitié des présidences, sans compter les gars qu'il arrose en-dessous: pas forcément de l'argent, mais il paie la voiture, les vacances, ou les études des enfants.
- Et il n'y a pas moyen de le prendre la main dans le sac? Le faire expulser? (je sais que je suis vraiment naïf, mais il faut quand même demander)
Deng Xiaoping se marre.
- Mais s'il veut c'est lui qui me ferait expulser!

Bon.

La rencontre a lieu, apparemment ça bouge un peu au Mali. Le Françafricain nous tend un texte de loi "le dernier qu'il a reçu". Le document est un vieux fax daté d'il y a trois mois, alors que Deng et moi savons qu'une nouvelle mouture est sortie il y a deux semaines et que notre Françafricain y était il y a trois jours.

Échange de bons procédés, on l'informe d'un projet de loi bizarre apparu ailleurs. "Je vois le souci", dit-il en se frottant le pouce et l'index. Et puis il est parti jouer au golf avec un ministre.

Quand au projet de loi malien, il nous faudra un mois avant de nous rendre compte qu'il avait en plus édité certaines portions du texte pour en modifier le sens.

lundi 28 juin 2010

Comme on se retrouve

La Polonaise croisée à l'aéroport lors de mon premier passage est de retour elle aussi. Visiblement il y a quelques retards dans le projet sur lequel elle travaille depuis un an et qui, pour autant que je le comprenne, n'a pas avancé d'un iota. Du coup la voici revenue pour un mois. Go-live prévu dans une semaine, plus service après-vente pour les inévitables pépins.

Le moins qu'on puisse dire est qu'elle exprime une certaine frustration vis-à-vis de l'inefficacité (l'indigence? l'incurie?) de ses collègues des Ressources Humaines locales.

Sans blague.

vendredi 25 juin 2010

Pub

"- Mon chéri, tu as passé une bonne journée au bureau?
- Oui, excellente et je dois partir dans trois jours pour signer ce contrat à Tokyo. Par contre tu sais, mon anglais est vraiment un problème, je ne sais pas comment faire pour l'améliorer.
- Tu devrais aller voir le British Council, ils offrent des cours d'anglais pour tous les niveaux!
- [etc. etc.]"
Je suis en train de rentrer du bureau quand j'entends cela à la radio. Je regarde autour de moi: des maisons à moitié finies, des pistes en terre dès qu'on sort de la route des Almadies (le quartier plutôt riche, sinon), des gamins qui vendent des cartes téléphoniques en bord de route.

Et le gars, donc, va apprendre l'anglais en trois jours pour aller signer un contrat à Tokyo.

Je ne suis pas un expert, mais je ne suis pas certain qu'ils ciblent le bon public.

jeudi 24 juin 2010

La retraite est coupée

Cher Jean François,

Félicitations pour votre mutation au Sénégal.

Étant en charge des questions de Sécurité sociale et afin d'évaluer pour vous la possibilité ou non de vous garder au sein du système suisse de retraites (AVS) pendant la durée de votre séjour, merci de me confirmer si vous étiez déjà contributeur avant de commencer à travailler pour nous. Merci d'avance de votre réponse.

N'hésitez pas à me contacter si vous avez des questions.
Je ne suis pas sûr de comprendre: suis-je sur le point de devoir travailler six mois de plus que nécessaire? J'essaie d'appeler cette sympathique dame (le "félicitations" sans point d'exclamation m'a toutefois paru vaguement sarcastique) mais, bizarrement, elle n'est pas joignable depuis les deux jours que j'essaie de l'appeler pour demander des précisions.

In other news, j'ai enfin rencontré la personne des RH en charge de mon dossier. Celle qui, notifiée le 24 mai au plus tard de mon arrivée, a enclenché le processus aux alentours du 10 juin. Celle qui m'informait qu'en fait le contrat ne pourrait prendre effet qu'à partir du 15 juillet. Très sympa, m'a dit que tout était en cours et qu'il fallait être patient.

Je ne suis pas du genre à gueuler pour faire avancer les choses, j'ai donc souris. Et quand elle a dit "Si vous avez besoin de quelque chose, n'hésitez pas à venir me voir", j'ai continué à sourire et je suis sorti.

mercredi 23 juin 2010

Droit d'auteur

Les minutes de la conférence téléphonique d'hier nous sont arrivées et un point, le 5c je crois, m'a fait tiquer:
"Le Caniche a rédigé un rapport introductif que chacun est encouragé à faire circuler."
Ledit rapport est déjà allé sur le bureau d'un Très Haut, qui l'a trouvé si bon qu'il l'a transmis au Très Haut d'un autre groupe, copiant le Caniche et la gratifiant d'un "bon boulot, Caniche".

Le Caniche nous a bien évidemment fait suivre l'email dudit Très Haut, avec le document en question. Je ne sais pas pour vous mais j'ai l'habitude, quand je reçois un chouette document Word bien écrit, d'aller dans l'option "Propriétés", histoire de m'informer sur l'identité du créateur du fichier.

Et là, (demi-)surprise, ce n'était pas écrit "Caniche" mais "Georges". Georges, c'est mon pote du bureau d'à côté, dans mon ancienne vie de sherpa sans histoire. Georges est la seule personne dans tout le département à être là depuis plus de dix ans. Autant dire que c'est un pro de la survie en milieu hostile.

Sa réponse lorsque je lui signale le vol le détournement l'erreur d'attribution? "Le Caniche et moi avons décidé de ne pas nous apprécier. Pas de problème pour faire circuler ce papier à l'extérieur, mais enlevez mon nom."

Georges est très zen.

mardi 22 juin 2010

Contrôle des changes

La grande cheffesse des finances est de retour du QG, j'en profite pour l'intercepter et lui pourrir sa matinée avec mes problèmes de frais. J'ignorais que les comptables pouvaient être mignonnes, mais quand j'apprends qu'elle est là depuis déjà 18 mois, je me dis qu'elle correspond plus à l'équation "jeunesse+ambition = serrera les dents si on la parachute dans un coin pourri". Elle a d'ailleurs de jolies dents, un look teuton et efficace. Je sais que j'ai tort, mais je me mets à espérer que la Lumière est proche.

Je la briefe rapidement sur mon cas, et demande donc comment mes désormais presque 9'000 euros de frais seront remboursés le jour où HR Dakar admettra que je bosse bien pour eux. "Ils seront probablement payés en Francs CFA sur un compte local", me dit-elle.

Ah tiens, ça c'est nouveau.

Et pourquoi pas en Suisse? Parce qu'il y a un contrôle des changes qui fait qu'apparemment, pour un individu donné la somme maximale qui puisse sortir du pays est dans les 3-4'000 euros par mois. Bon, je reconnais que virer de l'argent africain vers un compte en Suisse est un geste facilement sujet à interprétation, mais quand même. Elle me suggère aimablement de prendre l'argent en cash et de l'emmener avec moi en avion. Ben ouais, tiens, j'y avais pas pensé.

Bon, de toute façon on n'en est pas encore là, je n'ai pas de maison. Et donc pas d'adresse. Et donc pas de compte en banque. Ah oui, et quand j'ouvrirai un compte, ne pas oublier de demander des chèques (ça n'a pas disparu avec le XXe siècle, ce truc?): la carte bancaire met plusieurs semaines à arriver, et si donc je veux du cash il faudra me faire un chèque à moi-même que j'encaisserai immédiatement au guichet...

On peut en fait demander un retrait direct, mais les frais associés sont d'environ 10 CHF, alors que les chèques sont gratuits. Du coup on se signe un chèque et on l'encaisse dans la foulée.

C'est pourtant évident, quand on y pense.

lundi 21 juin 2010

Le tonneau des danaïdes

Aujourd'hui, première excursion sur le terrain, histoire de voir à quoi ressemble le Vrai Sénégal (celui avec des Sénégalais, donc, par opposition à celui de vendredi soir avec ses Françafricains). J'ai droit au grand tour avec un gars dont je passe quatre heures à essayer de me souvenir du prénom (on me présente cinq personnes d'un coup, je sature au bout de trois noms, c'était le quatrième!).

Bon, que dire? Je crois honnêtement que je commence à avoir pas mal bourlingué dans ma vie, et j'ai vu des coins vraiment, vraiment pas brillants. Des États en déliquescence ou parmi les moins avancés. Des bidonvilles, des réfugiés. Mais c'est bien la première fois que j'ai l'impression que le modèle occidental de développement (on parle ici de son mode de vie au sens large, basé sur la notion de progrès inéluctable basé sur la Raison, pas de bête consumérisme) est une greffe qui ne prend pas partout.

Les rues de la banlieue, quand elles sont goudronnées, sont envahies par un sable fin qui s'infiltre partout. Les gens s'entassent dans des maisons qui ne ressemblent à rien, n'ont d'autre industrie que d'élever des chèvres maigrelettes. Pas d'ordre, de services publics apparents; des infrastructures déglinguées, des écarts de richesse entre Sénégalais complètement surréels. La zone.

Une impression de surpeuplement surtout, qui fait qu'on se demande ce que vont pouvoir faire tous ces jeunes pour vivre dans quelques années, à part courir sur la plage comme on les voit sur depuis la route de la Corniche. Quel avenir peut-on leur offrir dans ce paysage desséché? J'avoue que j'ai essayé d'imaginer ce que pourrait être la Dakar de 2040, en y mettant tout l'argent nécessaire, en remplissant ce tonneau des danaïdes de l'aide et de l'investissement. Eh bien, même avec les yeux fermés c'était toujours trop de monde, de sable, d'ordures, de pauvreté. On me dit que la polyo fait son grand retour dans les campagnes. Il y a des villes entières qui n'envoient pas leur gamins à l'école publique mais juste dans des madrasas, pour qu'ils y apprennent le Coran.

Ils ne sont vraiment pas sortis de l'auberge. Et moi j'ai vraiment eu l'impression d'être un touriste de 18 ans qui découvrait le monde réel.

dimanche 20 juin 2010

La Calebasse

Premier tentative pour réitérer l'expérience mystique qu'était le thiéboudiène de mercredi dernier, et première déception. Pourtant tout commençait plutôt bien: la Calebasse est au deuxième étage d'un magasin d'art africain plutôt sympa, et même si je ne suis pas fan des masques et figurines, la déco mérite qu'on circule dans les étages avant ou après le repas. Ajoutez une belle vue sur la mer (le restaurant est au pied du phare des mamelles) et un service agréable, et on a une bonne recette pour le restaurant à touristes certes, mais avec une expérience de qualité. A 8000 francs CFA le thiéboudiène ce n'est pas spécialement donné mais correct - Dakar est chère, je crois que c'est un fait qui commence à faire son triste chemin dans ma tête.

Mais las! La portion, généreuse, était complètement dominée par un gout citronné. Épices il y avait, mais bien cachés (ou alors sous la forme de purée de piments, à côté, mais c'était remplacer un maître par un autre). A noter, la présence d'un légume intéressant mais non identifié, sorte de gros haricot noir avec des graines de la taille d'un noyau de cerise. J'ai pensé à du caroube, mais j'ignore s'il s'en mange ici (et si ça se cuisine comme ça).

Au final: un plat correct et roboratif, mais pas de quoi tomber à la renverse. Le menu présente toute une série de plats sénégalais, a priori j'y retournerai quand même, de préférence avec des amis touristes.


La Calebasse
Au dessus du magasin Art Afrique
Route des Almadies, au pied du phare des Mamelles
Dakar
Tel: 33 860 69 47
Ouvert midi et soir, 7j/7

samedi 19 juin 2010

Toutes des salopes

Vous êtes occidental, gros et vieux? Bien! Vous avez toutes vos chances dans les meilleures boîtes de Dakar. Trop y croire nuit cependant gravement à la santé. Explication:

Hier soir un collègue décide de m'emmener voir "le vrai Dakar by night". Départ après minuit, heure où bibi dort normalement du sommeil du juste, direction le centre-ville. Il connaît la nuit, il a ses entrées, je le suis à la trace comme un gentil toutou - ce qui me vaut d'ailleurs une remarque de la première sénégalaise qui m'adresse la parole après à peine trois minutes sur place: "Pourquoi tu le suis comme ça? il est noir!" Ben oui, il est noir mais il connaît tout le monde, et toi aussi cocotte il te connaît. Pas touche.

Hors doncques, nous commençons à discuter avec un des grands patrons de la nuit locale. Français bien sûr, vieux évidemment, adore l'Afrique parce que, entre autres, "on est plus libres qu'en France" qu'il a quittée il y quinze ou vingt ans. Les trois-quarts des établissements qu'il a ouverts ont des licences bidons: il arrose et ne s'en cache pas. Mais sympa et, c'est là le paradoxe, apparemment heureux en ménage depuis ses toutes jeunes années: sa femme a même réduit la superficie d'un de ses troquets pour pouvoir ouvrir son propre commerce de fruits et légumes. En attendant, pour remplir ses commerces à lui, 50% des filles sont des putes. Au début je pensais juste à des entraîneuses (genre "tu m'offres un verre au triple du prix normal, chéri?"), mais non non, on me confirme: ce sont bien des putes (même si elles cherchent avant tout un mari pour les sortir de là). Bon.

Et puis vient Thibaut, un de ses gérants. Une tête de truand honnête - ce n'est pas un oxymore, juste l'impression qu'il dégage. Pas compliqué, ouvert, on sympathise tout de suite et là il commence à me déballer ce qu'il a vu en dix ans de Sénégal. Je ne veux pas lui faire perdre la fraîcheur de ses histoires si jamais il publie un livre (si je le revois je lui en reparle), mais voici la trame générale, drôle et triste à la fois.

Monsieur le Français a un bon poste. Médecin, homme d'affaires. Il vient à Dakar pour un congrès, une mutation. Solide, intelligent, bien établi (femme, enfants, toussa). Il passe une nuit en boîte pour se détendre. Chope une locale, et nique comme un fou pendant un, deux jours. Perd la tête. Décide de se marier avec ladite locale (apparemment c'est arrivé à un cadre de Sofitel - au bout de 15 jours), ou en tout cas de s'installer ici pour de bon (lâchant boulot et famille au passage). Il monte une affaire et vit heureux comme un pape.

Puis viennent les dures réalités du business à la sénégalaise: il faut arroser les douanes, la police, les impôts (Thibaut appelle ça la redistribution de la richesse). Sa femme, fine connaisseuse de la culture locale, lui dit: "c'est parce que tu es blanc, ils savent qu'ils peuvent t'emmerder comme ils veulent". Malin, notre businessman blanc décide de tout mettre au nom de Madame qui, si vous avez suivi, est noire.

24h plus tard les frères et/ou l'amant débarquent, et le mec est jeté à la rue propre en ordre. Adieu veau vache cochon couvée femme et business. L'ambassade doit alors les rapatrier (généralement vers l'hopital, vu qu'ils ont aussi chopé une intoxication ou maladie quelconque). Thibaut m'a raconté trois ou quatre histoires à la suite, les trois ou quatre suivent le même principe. Seule la profession initiale du gars change. Selon mon conteur du soir c'est le cas (ou la conclusion) de 95% des mariages mixtes qu'il a vus.

jeudi 17 juin 2010

La citation in extenso du jour

Cher Jean François,

La date de départ de votre Formulaire de Demande de Transfert (FDT) pour votre mission était le 1er juin. Veuillez cependant noter qu'il n'est pas possible d'indiquer cette date vu qu'elle se situe dans le passé.

A cause de différentes contraintes administratives liées à l'organisation de votre mission au Sénégal (par exemple collecter les approbations sur le FDT, signer la lettre de mission, trouver un logement, expédier vos affaires et gérer le permis de travail, etc.), la date effective de votre transfert devrait être le 15 juillet au plus tôt.

Je comprends que vous êtes déjà au Sénégal, mais votre séjour doit être considéré comme un voyage d'affaires.

N'hésitez pas à me contacter si vous avez des commentaires.

Human Resources
Pas un mot de mes notes de frais en suspens.

A part ça, tout va bien.

mercredi 16 juin 2010

La Quête

J'ai goûté hier mon premier Thiéboudiène (orthographe approximative), plat national sénégalais s'il en est. On pourrait se limiter à dire qu'il s'agit de poisson avec du riz, mais c'est comme dire que Guerre et Paix ça parle de la Russie. C'est bon, méga-bon, incroyablement bon. Des épices qui parfument sans arracher la gueule, des saveurs mélangées et incroyables, et pourtant c'est tout simple. Comme pour Super Dupont, on peut résumer les ingrédients à Rienquedubon: 98%; sel: 2%.

J'ai donc décidé de consacrer les prochains mois à la seule vraie quête qui apportera un plus à l'Humanité: trouver le meilleur thiéboudiène (orthographe approximative) du Sénégal. J'essaierai de documenter mes découvertes ici même.

In other news, j'apprends que l'un des mes premiers déplacements dans la région ne sera pas au Cap-Vert mais au Liberia. Quand je signale poliment que le pays est sur la liste rouge des déplacements pour cause de, hum, guerre civile pas totalement finie, et qu'il nous faudra une autorisation spéciale, Deng Xiaoping sourit et dit "C'est pas très grave, parce que les autorisations c'est moi qui les signe."

On va bien se marrer.

mardi 15 juin 2010

Allo? Allo!

Quand j'étais jeune et innocent - ou disons plutôt naïf et franchement crétin, j'avais quand même assez de lucidité pour réaliser que les meetings servent rarement à quelque chose. Heureusement pour moi, il reste toujours un peu de marge pour apprendre: c'est ainsi que j'ai découvert que si l'on veut vraiment pourrir la journée de quelqu'un, il suffit de le convoquer pour une conférence téléphonique. Meeting + haut-parleur qui grésille = mort.

Bon, j'ai déjà assisté à plein de ces appels, mais j'étais de fait toujours du côté de l'organisateur, ou en tout cas dans la même pièce que celui avec le plus gros salaire: en face de moi l'action, au bout du fil les masses prolétariennes censées extraire leur ordre de marche des conversations se déroulant sous mes yeux.

Me voici désormais du côté des masses prolétariennes, avec au bout du fil le QG bien-aimé et son équipage au complet (Christine Boutin, le Caniche, Willy, et plusieurs autres), et quelques autres répartis eux aussi sur le globe. Première intervention par un gars qui, lui, est carrément sur le point de prendre l'avion. C'est rigolo, parce que si dans les aéroports on a toujours l'impression que les annonces sont hachées et incompréhensibles, là je peux vous dire qu'on recevait la notice d'embarquement cinq sur cinq. Ce que le mec a dit, par contre, aucune idée.

Puis viennent d'autres interventions tout aussi inutiles - un mélange de borborygmes et d'ellipses qui te font comprendre que la présentatrice n'a rien branlé, mais qu'elle tâchera de moins bosser avec encore plus de panache la semaine prochaine sur un sujet dont de toute façon tout le monde se fout. Puis vient finalement le moment important: décider des conditions de notre sortie de team-building. Où qu'on devrait s'éclater la panse aux frais de la Princesse, les amis? Parce qu'il faut s'amuser autant que réfléchir, nous dit-on, hein, c'est important.

Un clone de Steve Buscemi nous entretient d'abord d'une supernouvellegéniale méthode de brainstorming qu'il a essayée la semaine dernière au Caire. "Takes the storm away from the brain". Putain respect pour la formule, Steve, on est tous avec toi. Puis vient la discussion -la seule qui compte- du lieu: il nous avait été demandé de proposer une destination - pourquoi pas le Cap Vert, avais-je dit? On peut plonger, surfer, il fait beau, c'est accessible pour Deng Xiaoping qui ne peut pas trop voyager. Et, de fait, j'étais le seul à avoir apparemment répondu à l'appel à propositions formulé la dernière fois. C'était trop beau, c'était tout cuit.

Et évidemment, c'était trop beau (et pas cuit du tout). Steve Buscemi commence d'emblée à demander s'il y a des aéroports accessibles (non Steve, le Cap-Vert est perdu dans l'Atlantique, on se ravitaille encore en pirogue); et le Caniche d'embrayer tout de suite en disant qu'elle a une meilleure idée, qu'en fait ce serait bien si on pouvait tous se retrouver au QG. Je n'ai pas souvenir que la proposition ait été soumise au vote, mais voilà, on va tous se taper un jour de brainstorming dans le vaisseau-mère (et donc une journée de vol aller, une au retour, c'est Deng et son dos en purée qui va être content) plutôt que trois jours à Sal ou Praia. Adieu veau, vache, cochon, surf. Bonjour vaseline.

Elle n'aurait pas simplement pu dire qu'elle n'avait pas le budget, cette conne, plutôt que de nous prendre pour des abrutis?

lundi 14 juin 2010

La citation du jour

La citation du jour, la première en fait, vient d'une sympathique membre de notre bienveillant service administratif:

"6 mois? Personne ne nous avait dit que vous restiez si longtemps!"
Je signalais juste poliment que, n'ayant pas d'hotel pour demain, ce ne serait pas plus mal si je me mettais directement à chercher un appartement.

Bon. C'est pas gagné.

Mamadou-le-chauffeur est venu me prendre à l'hotel ce matin. Nuit moyenne, je me suis fait bouffer par les moustiques. Je croise 20 nouvelles têtes en une heure, je n'essaie même pas de me souvenir de leurs noms: je me concentre sur ceux qui peuvent me sortir de ce merdier (HR), et qui comme par hasard ne sont pas là ce matin. Petits chocolats pour Miss Wong, la secrétaire: 15 minutes plus tard, elle me trouve une chambre dans un des hotels supposémment complets - et pour 30% moins cher! (note pour plus tard: faire provision de chocolats)

Je me renseigne sur les arcanes administratives du lieu: le pouvoir est aux ressources humaines, mais ils sont visiblement tous les quatre encore en week-end. Ou ils se cachent. En attendant, pas d'agence de relocation (HR détermine le budget qui m'est alloué), pas de téléphone (HR détermine ma localisation dans le système et donc la zone téléphonique correspondante), pas d'accès à mes fichiers (le service informatique a besoin d'être activé par HR).

Du coup, faute d'options je fais la seule chose raisonnable dans ce genre de situation: je consulte la liste des spots de surf de Dakar pour savoir où mon appartement (ma maison?) se situera en priorité:







M'est avis que je vais aller voir entre Ngor et Yoff.

dimanche 13 juin 2010

Départ

Cette fois c'est la bonne - je suis dans l'avion, sans date de retour officielle.

Les valises ont été remplies en 1h chrono ce matin - pour la première fois de ma vie, je voyagerai sans sac à dos. Avec le vol en business, ça commence à faire beaucoup d'indices qui pointent vers l'embourgeoisement chronique. Dernier repas avec les parents,  petite larme de Môman, et zou c'est parti. Pour la première fois depuis que ce bordel a été mis en branle, je suis en fait assez excité par l'anticipation de l'aventure.

Coucher de soleil en arrivant sur Dakar - c'est beau. Moiteur étouffante en sortant de l'avion - c'est chaud. Premiers moustiques - c'est, euh, urtiquant.

Bon, demain boulot.

vendredi 11 juin 2010

Acte manqué

Je pensais quitter le bureau ce midi et me voici de retour à 19h, un vendredi, à passer des appels tout en consultant mes mails: j'ai oublié de réserver un hotel, et je n'ai pas confirmé mon vol. Le premier psychologue de comptoir parlera d'acte manqué, mais je ne suis pas psychologue.

Evidemment, c'est dans ce genre de situations que tous les hotels s'annoncent complets. J'ai donc un vol, un hotel pour mon arrivée (s'ils ont compris mon nom au milieu des coupures et grésillements) - et rien à partir de mardi soir.

Je me réjouis d'être le premier blanc SDF de Dakar.

mercredi 9 juin 2010

On s'appelle demain

"Bon, rien n'a bougé, mais je suis sur le coup, on s'appelle demain."

Ca fait 4 jours d'affilée que Deng Xiaoping m'appelle tous les jours pour me tenir au courant du statut de mon contrat. Les jours changent, mais rien ne bouge ni n'apparaît. En tout cas c'est officiel, je décolle dimanche.

Bon, ben mes 5000€ de frais me seront directement remboursés à l'arrivée, on dirait.

vendredi 4 juin 2010

Gueule de bois

La conférence globale du département - 160 pingouins d'une centaine de pays qui viennent comparer et partager leurs expériences - vient de s'achever. Je n'ai rien foutu, mais je suis mort.

J'ai picolé comme un trou tous les soirs, et tout le monde se regardait chaque matin en essayant de deviner qui a couché avec qui (moi je sais ^_^). Les présentations étaient chiantes pour 90% d'entre elles (partager un savoir, c'est décidément un talent).

Et apparemment je passe pour un rebelle parce que j'ai refusé d'aller finir la dernière soirée dans une boîte pour gosses de riches que les organisateurs nous avaient réservée (ce qui est inexact, étant resté tant que l'open bar était ouvert). Certes, il faudrait que je fasse un peu gaffe, et savoir prétendre la grosse colique plutôt que d'annoncer franco que je vais dans un endroit moins puant ne serait pas une mauvaise stratégie de survie.

Mais dans l'ensemble, je me suis bien amusé.