mardi 28 décembre 2010

Le temps c'est de l'argent

La pire chose qui puisse arriver ici dans vos relations avec la police, c'est d'être blanc et pressé. Malheureusement pour moi, cette semaine, j'étais pressé (en plus d'être blanc).

Un policier sénégalais, me dit-on, touche dans les 200 dollars par mois. C'est beaucoup pour certains ici mais, dans l'absolu, c'est peu. Dès lors, dès que vous commettez une infraction (ou conduisez comme si vous pouviez avoir commis une infraction), une opportunité s'ouvre au Pandore pour arrondir son début, son milieu, voire sa fin de mois.

Il est important de relever que le policier reste, dans sa corruption, honnête: il vous laisse le choix. Soit vous lui laissez votre permis de conduire et devez le récupérer le lendemain au poste en payant très officiellement votre amende au poste, soit vous discutez d'un réglement amiable sur place et dans l'instant. Vous pouvez aussi rester à discuter de ce que la faute de conduite n'est pas avérée ou que le prix de l'amende est trop élevé ou la confiscation du permis exagérée, mais il faut du temps. L'agent de police est, lui, là tous les jours, toute la journée - la discussion est donc une distraction comme une autre, et du temps il en a plein, en tout cas plus que vous qui, d'un autre côté, êtes blanc. Et pressé (ou chauffeur de bus sénégalais et donc également pressé).

J'étais, ce jour-là, très pressé. On me demande 18'000 CFA (soit 36 dollars US, et trois fois le prix d'une amende normale). J'avais il est vrai grillé à peu près tout ce qu'on peut imaginer comme règle du code de la route sur les 200 kms précédents, mais ce n'est pas une raison, on ne m'avait pas vu. Quoiqu'il en soit, j'étais sacrément pressé et je n'avais vraiment, vraiment pas le temps de discuter (et en plus je déteste négocier). Plaidant l'absence de petite monnaie, j'ai quand même dit qu'en tout état de cause je ne pourrais jamais payer que 15'000 et j'espèrais que ce brave représentant de la force publique saurait trouver une solution à mon dilemne.

L'agent m'a souri et j'étais reparti dans la minute.

Ce qui m'embête dans tout cela, ce n'est pas tant le coût (tant pis pour moi) que le fait que j'ai dû céder, après 7 mois, à mon premier maître-chanteur (c'était ma 6e "interaction"). Le sel sur la plaie, c'est que trois jours plus tôt j'avais fait la morale à la Voisine sur le fait que jouer le jeu du corrompu, c'est pas bien. Ca fait toujours mal de devoir mettre à mort soi-même ses grands principes (insulte supplémentaire: elle s'en était sortie pour 5'000 CFA).

Le lendemain, au retour, on me demande à nouveau de m'arrêter. Mais là j'avais le temps. Et des chocolats, que j'ai donnés sans trop y penser aux petits talibés qui mendiaient autour du policier (Jean-François de Galaup n'aime pas le chocolat, personne n'est parfait). Que ce soit cela ou la discussion, toujours est-il qu'après un quart d'heure le pandore me lance un magnanime "Je vous gracie". Je suis reparti sans soucis.

dimanche 26 décembre 2010

Le Galaxie

Impossible d'aimer le Thieb sans aller voir sa mère patrie, là où, d'après les légendes, il serait né: Saint-Louis, ex-capitale de l'AOF, maison du thiéboudiène pemba mbaye.

Le temps passe, mon séjour touchera à sa fin plus vite que prévu, il est donc temps d'aller explorer cette Mecque du bon goût et du temps heureux des colonies. A peine débarqué dans la ville (charmante mais sans plus, l'UNESCO classe vraiment tout et n'importe quoi de nos jours), je demande où se trouve le meilleurs thieb du quartier. On me propose le Galaxie, à deux pas.

Aussitôt dit, aussitôt testé.

Je ne ferai pas dans le lyrique - comme la ville, ça se résume un peu à un "bien mais pas top". Un peu de tout ce qu'il faut, certes, et pour changer un riz épicé. Mais sorti de cela, pas de quoi casser trois pattes à un canard. En l'absence de sauce boulettes, j'ai l'impression ici qu'on se fout un peu de ma gueule de touriste.

Bref, vous venez à Saint-Louis pour la ville et son thieb, vous ne reviendrez probablement pas pour ça mais pour sa réserve du Djoudj. Les phacochères et autres pélicans m'ont toujours laissés froid, mais c'est vrai que quand 7'000 de ces derniers prennent leur envol autour de vous, ca vaut son pesant de, euh, thiéboudiène.

Le Galaxie
Rue Abdoulaye Seck x Bouffers
Tél. : 33 961 2468 - 77 553 4906
Ouvert 7/7 de 11h à 15h et 19h à 23h

jeudi 23 décembre 2010

FesMAN

Ladite Républuque se trouve au Nord du Sunugal.
Le Festival mondial des Arts nègres (Fesman pour les intimes), c'est le joujou du Prez' pour décembre 2010. En fait c'était prévu pour 2009, mais l'organisation était tellement bancale qu'on a repoussé le truc d'un an et que l'organisation nouvelle formule a été confiée... à la fille du Chef. Jusque là rien de (trop) nouveau pour le pays, qui a déjà vu le fils dudit Chef bombardé quadruple ministre il y a quelques mois.

Les choses sont devenues plus intéressantes quand, le Fesman démarré, on s'est aperçu que les artistes n'étaient pas payés, parfois annoncés mais pas invités(!), les lieux de concerts pas prêts ou pas réservés. Côté succès populaire, je suis passé voir je ne sais plus quel truc, j'étais tellement tout seul que j'ai d'abord cru que c'était fermé.

Pour un petit bijou à 53 milliards de CFA (100 et quelques millions de dollars), ça fait désordre.

Ce que le bon peuple ignore, et que nous a confié un pote au gouvernement, c'est qu'il manque 80 milliards dans les caisses pour couvrir les importations de fuel de l'an prochain. Le fuel qui permet de produire de l'électricité dont on manque tant. En clair: il y a du courant jusqu'en juin. Après, on sait pas.

Mais au moins l'année se sera terminée sur une belle fête.

mardi 21 décembre 2010

Grand chelem

C'est ma semaine magique: après le thieb d'hier, je suis invité ce midi par une collègue à manger au Ngor Surfeur. Le plat du jour, figurez-vous, c'était du thiéboudiène. Et même si je l'avais déjà essayé, j'en ai bien sûr pris.

Puis le soir, chez la Voisine, sa femme de ménage lui avait préparé... un bon thieb. Je suis bien élevé et je mange ce qu'on me donne: j'en ai bien sûr pris.

Par contre là j'admets qu'après trois thiebs en deux jours, je me sens un peu balloné.

lundi 20 décembre 2010

Chez Loutcha

J'étais tranquille dans mon hall d'aéroport, ne demandant rien à personne, même pas à l'Oncle Ben's qui était à mes côtés. Puis débarque un vieux qui, comme tous les vieux, engage la conversation avec le premier voisin qui lui tombe sous la main.

Coup de bol, ce n'était pas moi.

Le Vieux commence donc à raconter à son voisin sénégalais, qui a la moitié de son âge, que ça fait 30 ans qu'il vit au Sénégal (ou en Espagne? Je sais plus), et patati, et patata. Ca fait trente ans, et il y a un truc qui vraiment, au Sénégal, le fait tripper:

C'est le thiéboudiène.

Je tends l'oreille et j'écoute.

"Le meilleur thieb que je connais, c'est chez Loutcha".

Quarante-huit heures à peine après cette rencontre j'étais attablé dans l'estaminet sus-cité.

Chez Loutcha, on m'en avait déjà parlé car c'est apparemment LE restau cap-verdien de référence à Dakar. En fait, vu la taille et la variété du menu (280 pages sans la couverture, au moins), on pourrait difficilement lui attribuer une origine géographique. Le menu comporte en tout cas une page entière dédiée au roi des plats sénégalais: pour 3'300 CFA, je relève le défi et en commande un.

L'ambiance est sympa et la portion aussi énorme que les plafonds de la salle sont haut (8m, au moins, on se croirait dans une chapelle ou un entrepôt réhabilités). Un service tellement copieux qu'il arrive carrément dans un plat plutot qu'une assiette (et je suis pourtant seul). On ne m'y sert pas un morceau de poisson, mais tout un poisson.

Et il y a plein de légumes. Et du beugueudj (une sauce à l'oseille, servie sur le côté). Et c'est bon. Et je suis content. Et je me dis que s'il avait été servi un peu moins tiède, ç'aurait probablement été le meilleur thieb de Dakar. Ne chipotons pas: c'est, à date, le meilleur thieb que je connaisse à Dakar.

Moralité: écoutez les vieux, ils savent des choses. Espionnez la conversation des autres, vous apprendrez des trucs intéressants.


Chez Loutcha
101 rue Moussé Diop (au coin du CCF)
Tél: 33 821 0302
Ouvert lundi-samedi, 12-15h, 19-23h

vendredi 17 décembre 2010

Clichés

Conférence avec des collègues des autres régions, bilan sur l'année écoulée et autres conneries où l'on transforme les échecs en succès, tout en évitant de parler des attentes irréalistes du management. Les muets parlent aux sourds, mais dans une ambiance plutôt détendue: on a même droit à la soirée karaoké.

Et puis au cours de l'un de ces dîners sympathiques qui doivent nous permettre d'échanger de manière amicale sur des sujets autres que strictement professionnels, on m'interroge -forcément- sur la vie au Sénégal.

Après avoir débuté la conversation en me demandant si le Sénégal était loin de la Zambie mon interlocutrice, dont nous protègerons l'anonymat en la désignant sous le sobriquet générique de "la pute russe" (mêmes fringues trop courtes des années 80, mêmes grands yeux bleus et corps sublime, même dandinement face à tout ce qui peut appartenir à la hiérarchie), s'écrie en apprenant l'emplacement de mes quartiers, face au vaste océan: "Oh my God, you have the sea in Dakar? That is so nice!"

C'est à partir de cet instant que l'Oncle Ben's et son comparse de la soirée Louis de Funès ont commencé à jurer leurs grands dieux que j'avais vraiment eu une monstre touche et que j'étais bête de ne pas la raccompagner après la soirée.

Sur ces entrefaits, un troisième larron s'incruste dans la conversation, larron dont nous protègerons l'anonymat en le désignant sous le sobriquet générique de "proxénète yougo". Celui-ci commence un interrogatoire discret mais consistant sur la gent féminine dakaroise, s'inquiétant de savoir si les filles y étaient faciles, s'il y avait beaucoup de sida, et si les filles y étaient faciles. Il a plus tard posé un peu les mêmes questions (surtout sur le sida) à l'Oncle Ben's. Puis il a quitté la table, allant demander à une collègue qui passait "quelle était exactement la nature de sa relation avec son mari" (je n'ai pas entendu la réponse, mais je ne crois pas qu'elle était encourageante).

Je n'ai rien contre ces meetings où l'ont se retrouve entre collègues et aux frais de la princesse, mais j'aurais des fois envies qu'on fasse une petite sélection à l'entrée.

jeudi 16 décembre 2010

Déjà vu

Je suis parti jeudi sur une énième coupure d'eau dans mes quartiers: sachons raison garder, je ne suis quand même pas trop à plaindre vu mon immense appart qui fait face à la mer. De l'eau il y en a donc, c'est juste pas toujours celle qu'on veut (et ça n'arrive pas tous les jours non plus).

Je suis rentré hier soir et il n'y avait pas d'électricité. L'électricien m'a demandé ce matin "un petit quelque chose" pour corriger le mauvais branchement qu'il avait fait par erreur en mon absence.

Je sens comme une certaine routine qui s'installe.

mercredi 15 décembre 2010

On a les amis qu'on peut

On n'est jamais déçu que par ses amis: le pays de la Teranga vient de se fâcher très officiellement avec son copain l'Iran, après l'interception au Nigeria en octobre d'une cargaison d'armes lourdes (dont des canons anti-aériens!) à destination des rebelles de Casamance. Ils ont fait fort: l'adresse de livraison était l'adresse personnelle du président gambien! Du coup celui-ci a rompu ses relations diplomatiques avec les ayatollahs.

Le mollah des Affaires étrangères est arrivé en quatrième vitesse à Dakar dimanche pour expliquer qu'il s'agissait d'un énorme malentendu, mais a appris pendant son séjour ici qu'il était viré (on voudrait l'inventer qu'on n'oserait pas). Du coup, notre ambass' là-bas a été rappelé.

Il semble que les Iraniens, outre une usine automobile, avaient aussi promis de livrer du pétrole pas cher - et visiblement ils ont voulu passer directement à l'étape suivante en foutant le feu.

A l'inverse, Khadafi est de passage pour le Fesman (le Festival mondial des arts nègres), et a fait venir hier à sa tente tous les mendiants du quartier pour leur distribuer des billets de 100 dollars. Et ah, oui, il a aussi réclamé la création d'une armée africaine d'un million de soldats pour protéger le continent des impérialistes.

De notre côté, on a appris dans le journal qu'un ministre de la région avec qui on avait perdu notre temps de manière très cordiale a fini par démissionner: apparemment certains de ses protégés au ministère avaient pour habitude de faire livrer les équipements chez eux - ça a fini par faire désordre.

Il faudrait que j'achète plus souvent les journaux locaux, il y a vraiment de quoi passer de bons moments.

mardi 14 décembre 2010

A table

Demain soir c'est la Tamkharit, nouvel an (lunaire) musulman: Deng Xiaoping a pour l'occasion déjà sacrifié non pas un mouton mais un boeuf, qu'il partage avec amis, parents et alliés.

Du coup, j'ai cinq kilos de barbaque sanglante qui m'attendaient ce matin dans un sac plastique sur mon bureau.

Barbecue anyone?

lundi 13 décembre 2010

Family business

Immense déception ce vendredi: la rumeur avait circulé que, pour fêter l'ouverture du Festival mondial des Arts nègres (le "Fesman" comme on dit ici) organisé par sa fille, notre bien-aîmé président s'apprêtait à déclarer la journée fériée. Las! Rien de tout cela, on a donc du aller bosser.

Petite consolation tout de même: le Sénégal (et son Président, et sa famille) a eu les honneurs des désormais inévitables wikileaks.

J'avoue avoir un nouveau respect pour la diplomatie américaine: ils ont écrit des trucs que j'ai instruction claire et ferme de garder pour moi ou pour la voie orale, s'il me prenait jamais la folle envie de les communiquer à mon management.

On apprend donc que l'ambass' est allée voir le vieux pour lui dire que s'il ne faisait rien contre la corruption, il pouvait se gratter pour toucher les 500 millions du Millenium challenge account. Qu'il a répondu qu'"aucun cas de corruption n'a été récemment porté devant la justice" (ergo qu'il n'y a pas de corruption?), mais qu'il ferait quelque chose quand même (commentaire de la diplomate: il "va louvoyer entre des mesures et la poursuite de l'autorisation donnée à ceux qui sont habitués à se servir dans les caisses du gouvernement de le faire, afin de s'assurer que leur loyauté demeure intacte").

Bon exemple, on apprend ainsi les conditions du financement de la statue de la Renaissance africaine - 26 millions d'euros payés par un allié du Prez' à une socièté nord-coréenne, et remboursés par une cession à vil prix d'actifs immobiliers.

Ce qui m'a fait le plus marrer, c'est le sobriquet du fils Karim, Ministre d'État en charge de l'énergie, des transports (il est d'ailleurs patron de la toute nouvelle Sénégal Airlines), et deux autres ministères dont j'ai perdu le nom: désormais, c'est Monsieur 15%, alors qu'avant la réélection de son père en 2007 il n'était apparemment "que" Monsieur 10%.

mardi 7 décembre 2010

Evidence

C'est au détour d'une conversation avec l'Oncle Ben's hier soir qu'il m'a fait remarquer une évidence: le président Wade est Fantomas:


Trop fou.

lundi 6 décembre 2010

Payback time

J'ai annoncé la nouvelle de mon retour forcé à Deng Xiaoping, qui l'a pris avec philosophie: "On vient de gagner notre doctorat en politique."

Première conséquence: vu que c'est la fin de l'année et qu'on doit formaliser le décompte des vacances pris lors de mon passage ici, il m'a dit de laisser ma feuille vierge et qu'il la signera comme telle - en clair mes congés 2010, officiellement non utilisés, sont reportés sur 2011: j'aurai donc 45 jours à prendre.

"Tu as du bol, c'est Pat Robertson qui paie", m'a-t-il dit.

samedi 4 décembre 2010

Recadrage

C'était plié du moment que je suis rentré dans le bureau de Pat Robertson. A peine descendu de l'avion, j'ai été rapidement et fraîchement sermonné sur le fait qu'il aurait du savoir avant tout le monde que j'avais l'intention de rempiler, que j'avais été gracieusement prêté pour une durée déterminée et que non, il avait bien trop de choses bien trop importantes à faire qui requéraient mon concours au QG. Rien à foutre de mes arguments, des besoins des autres services: pas de négociation. J'ai vécu des moments plus agréables, je n'en menais pas large du tout. Il a fallu encaisser la démonstration d'autorité en serrant les dents. N+1 était là aussi, jouant le bon flic pour contrebalancer le mauvais flic, mais il n'a pas été super utile.

Il m'a quand même donné le choix. Rentrer au premier janvier, et reprendre le cours normal des choses, ou rester un peu plus à Dakar et me chercher un autre poste quand je voudrai rentrer - vu que, ne pouvant pas attendre, il devra recruter quelqu'un d'autre pour prendre ma place. Je n'ai pas osé soulever que les recrutements étaient gelés et que même s'il pouvait, ça lui prendrait bien trois mois au moins: j'avais comme une intuition que ce n'était pas le moment de faire le malin. Si le mec qui bluffe a un flingue, c'est toujours difficile de lui dire "chiche".

Pat Robertson est un trou du cul. Je comprends en partie son point de vue (perdre un gars, c'est perdre du territoire dans la fosse aux requins), et il n'est pas payé non plus pour me faire des fleurs. D'un autre côté, je l'aurais mieux pris s'il ne s'était pas accroché à sa ligne "t'es super bon, on a besoin de toi" pour un plus raisonnable "tu ne seras pas remplacé, Dieu veut que tu continues l'expat, négocions".

De là, trois options:
  1. Rentrer en janvier. Ce n'est pas pour me déplaire, le job est sympa, si ce n'est pour la probable ambiance de merde dans les premières semaines au moins;
  2. Voir Christine Boutin et lui demander si comme promis elle a un poste pour moi. Inconvénient: ça la placera en porte-à-faux avec Pat Robertson, et je serai probablement persona non grata au siège pendant quelques années et devrai devenir expat permanent. Mouais;
  3. Recontacter le chasseur de tête qui m'a appelé il y a deux semaines et leur dire d'aller tous se faire foutre.
Les trois se valent - avec probablement une préférence pour le un, qui n'est finalement qu'un retour au scénario de base et me laisse le temps de calmer les choses et préparer les options 2 ou 3 sans partir sur un clash. Je peux aussi essayer de sauver la face et lui demander, puisqu'il pense tant de bien de moi, de valider une super évaluation en fin d'année (là, j'arrive pas à savoir s'il prendra ça comme de la provoc' ou comprendra le besoin qu'il a de faire un geste - je suppose que ça dépendra largement de la nature de son bluff).

Bref - journée de merde.

jeudi 2 décembre 2010

Démocratie

"Ceux qui nous donnent de l'argent nous ont demandé de faire la démocratie". C'est apparemment en ces termes qu'un général centrafricain a un jour annoncé à la TV que le régime se mettait au multipartisme et aux élections libres.

Ici ça fait deux jours qu'on attend le résultat des présidentielles ivoiriennes, dont la proclamation a déjà été repoussée deux fois. On a quelques Ivoiriens chez nous, qui apparemment se font passer les résultats des bureaux de votes par SMS et tiennent un décompte fantôme. Il semble que Ouattara ait gagné à la fois dans le Nord et le Sud, chez les Musulmans comme les Chrétiens. Sauf que Simone Gbagbo aurait déclaré à son futur ex-président de mari "si tu reconnais la défaite, tu n'es pas un garçon".

J'écris ça un peu comme une note en passant, histoire de comparer avec les évènements qui ne manqueront pas de se dérouler dans quelques jours. J'avoue que je n'ai pas trop d'opinion, mais avec la récente victoire d'Alpha Condé en Guinée il y a deux semaines (son opposant avait quand même eu 44% des voix au premier tour, contre 18% pour A.C.), je suis sceptique.

In other news: le Président Wade a récemment fait passer une loi pour interdire l'usage des téléphones portables lors des décomptes de voix, justement. Quant à la docteur qui a fait une déclaration à la Cour constitutionnelle (censée statuer sur la possibilité pour le Vieux de se présenter à un troisième mandat) pour témoigner de ce qu'il était atteint d'au moins quatre maladies graves (dont une débilitante), elle a été arrêtée et placée en garde à vue ce matin.

Gérontocratie

Je viens de finir un très bon bouquin intitulé Géopolitique de l'Afrique (Ph.Hugon, éd. Armand Colin, 2010), où l'on parle de (non-)développement et notamment de ce que l'auteur appelle une économie de rente. En clair, les entreprises d'État (et surtout l'État) sont là pour engraisser ceux qui en détiennent les commandes, pas pour prospérer et participer à l'accumulation collective de richesses. Ce qui fait qu'on a des gens très bien placés mais pas forcément compétents à la tête de nombreux services, et qui sont pour le surplus franchement inamovibles.

On a eu l'occasion de rencontrer un tel individu en Afrique centrale. Installé par Papa, il a su rester aux commandes de son pré carré lorsque le Fiston (qu'il a surement un jour tenu sur ses genoux) a pris les rênes. Bien connecté, il doit avoir dans les 80 ans passés (ce qui, dans la région, n'est pas donné à grand monde et mérite un certain respect). 

Nous sommes donc allés voir ce monsieur parce que, justement, il était au sommet, a priori connecté, et pouvait du coup peut-être faire avancer la Cause en nous présentant à la bonne personne. Pas de problème nous dit-il en substance, il connaît bien Deng Xiaoping et peut volontiers arranger cela pour lui. Ca sera réglé sous huit jours!

On repart tous contents, en promettant d'appeler la semaine suivante. Ce que l'on fait. Et là, réponse énorme du vieux crouton: "Pourquoi vous m'appelez à l'improviste? Ca fait des années que personne de chez vous n'est venu me rendre visite - comment va Deng Xiaoping?"

Du coup, on a préféré laisser tomber.