jeudi 30 septembre 2010

Soirée tranquille

Or doncques, hier c'était relâche, nos rendez-vous étant tous repoussés. Oncle Bens et moi avons dîné dans un restau ivoirien où tout le personnel prétendait être malien (les étrangers qui volent le travail des locaux sont mal vus), puis nous sommes passés dans un bar rempli d'Américains: le chef du renseignement pour la région Mali chantait au karaoké en compagnie de marines, une star de la chanson libanaise (ça doit être vrai, il ressemblait à un proxénète) était aussi présente, et on m'a bien confirmé que les serveuses étaient des putes ukrainiennes (apparemment ici c'est exotique).

Après cela nous sommes allés en boîte siffler deux bouteilles de Chivas à six personnes, et un gars qui possède la moitié de l'industrie locale a entrepris de m'expliquer le fonctionnement des principaux circuits de contrebande. Très intéressant.

Il nous a ensuite très gentiment ramenés à l'hotel dans son 4x4 qui fait du 18,3 litres au 100km, et quand des policiers ont essayé de nous arrêter à un barrage pour, selon lui, nous racketter, il a sorti son Beretta et me l'a mis sur les genoux pour, a-t-il expliqué, montrer que ce sont les autres qui s'arrêtent (les policiers comprenant à la vue de l'engin que nous sommes des Personnes Importantes).

A part ça, rien de spécial.

Jamais si bien servi que par soi-même

Le Mali va, pour son cinquantième anniversaire d'indépendance célébré la semaine passée, bientôt transférer tous ses ministres et ministères dans une toute nouvelle "cité administrative". Les bâtiments sont assez chouettes, pas trop mal placés, et surtout ils sont cadeaux: c'est le leader éclairé de la Libye qui régale.

Du coup, pourquoi se priver, le quartier où travaillera le gouvernement malien s'appellera "Cité administrative Mohammar el-Khadafi" - on n'est jamais si bien servi que par soi-même.

Je sais tout cela parce que mon hôtel, en fait, est situé juste en face. C'est un hotel libyen, cette fois de la chaîne Azadi - tous les hotels de la ville sont libyens, d'ailleurs. Je ne me suis pas encore risqué à gouter la nourriture locale - Oncle Bens et moi préférons voir dehors si nous y sommes: il n'avait hier soir pas d'électricité dans sa chambre, et moi pas de serviettes (c'est pourtant un cinq étoiles).

D'après ce que l'on nous a expliqué, les Libyens investissent l'argent qu'ils ont visiblement en trop pour avoir un levier politique, mais ne font que le minimum pour assurer l'assise, les bénéfices étant générés ailleurs: le dividende, dans le cas présent, c'est que désormais plusieurs milliers d'hectares de terres arables de la vallée du Niger sont la propriété de la République arabe socialiste.

lundi 27 septembre 2010

Excuse béton

Le Citron nous fait ces temps une crise de flemmingite aiguë. Dernière arrivée, première partie, deux semaines pour rendre un powerpoint de trois pages où sont jetées quatre malheureuses idées - j'en connais une qui se donne à fond pour son boulot. J'en ai même tiré un théorème essentiel: plus la réponse à une question fermée (i.e. "oui/non") est longue et compliquée, moins le travail a de chance d'avoir été effectué.

A sa décharge, il faut bien dire qu'elle gère un tout petit truc et qu'on n'a pas trop le temps de s'occuper d'elle. D'un autre côté, vu son grade elle est censé savoir s'occuper toute seule. Bref.

Vendredi son fils était malade, elle n'a donc pas pu venir travailler (je précise: elle emploie une nounou). Ce matin, c'est la voiture qui ne voulait pas démarrer. Elle nous a donc appelé pour nous en informer, et préciser qu'elle passerait au bureau après être allée chez le coiffeur.

La question qu'on n'a pas osé poser, sachant que ledit coiffeur est à 100m du bureau, c'est comment elle comptait y aller.

mercredi 22 septembre 2010

Le père Noël a trois mois d'avance

"On m'a demandé de vous faire savoir que désormais nous arrêterions de payer des membres du gouvernement".

Quand le Françafricain nous a dit ça, on n'a pas répondu. En fait, on n'a même pas cru ce qu'on avait entendu - il a fallu un meeting après le meeting pour s'assurer que tous ceux présents avaient bien compris la même chose.

Visiblement il y a eu du ménage à Paris et les secousses se font sentir jusqu'ici. Le nouveau chef n'est pas commode et, surtout, n'aime pas jouer avec le feu.

Bon, on ne sait pas si ça va durer, mais on ne va pas bouder notre plaisir. Par contre, je me demande comment les gars qu'il avait l'habitude d'arroser vont réagir.

lundi 20 septembre 2010

Laico

Un portrait du leader de la Révolution arabe socialiste (ou un truc dans le genre) trône dans l'entrée, derrière le bureau d'accueil. L'hotel paraît assez classe avec son grand hall de marbre, les capitaux sont libyens.

Le service est lent. Au petit-déjeuner, les vingt tables ne sont que difficilement débarassées par la demi-douzaine d'employés - et ce n'est pas comme s'il y avait affluence de clients qui, de toute façon, se servent eux-mêmes au buffet. Il faut lancer une fusée de détresse pour attirer l'attention d'un serveur et avoir du café. Certains services ont des cuillers, aucun n'a de serviette. Autant dire que j'ai eu de meilleurs propositions dans des auberges de jeunesse (qui elles, pour le coup, étaient bien au-dessus de la moyenne) pour un prix bien inférieur.

Après deux jours à Ouaga, j'ai gouté les classiques: pintade et agouti. Alors qu'on zone à midi dans le restau de l'hotel, un élément de la carte me fait hausser le sourcil et me met l'eau à la bouche:

Ils servent du Thiéboudiène.

Bon, ok, qu'espérer comme plat de poisson dans un pays enclavé, et qui plus est dans cet hotel-ci? Je n'en sais fichtre rien. Mais je sais que je n'ai pas eu de thieb depuis un bail, et que j'ai faim. Ni une ni deux, je commande.

Je ne suis pas déçu. Mais je ne suis pas ravi. Peu de légumes, poisson plein d'arrêtes, riz bon. Bref, c'est moyen sans plus, un peu comme manger exotique un peu partout dans le monde: ça ressemble à l'original, mais cela en reste loin.

Et en plus, Garçon, il y a un boulon dans ma tasse à sucre.

Hotel Laico Ouaga 2000
Ouagadougou, Burkina Faso
http://www.laicohotels.com

Sagesse africaine

Quand Deng-Xiaoping a commencé à m'énoncer que "Celui qui a la diarrhée ne choisit pas son pot" pour m'expliquer que le QG devrait arrêter de faire le difficile sur les interlocuteurs qu'on lui trouve et qui ne sont pas Président de la République, je me suis dit que j'étais parti pour un grand moment d'enseignement.

Je n'ai pas été déçu.

Les aphorismes ont plu toute la semaine qu'on a passée ensemble sur la route. Même le journal s'y est mis, avec cette citation du jour
Ce n'est pas parce que l'écureuil saute de branche en branche qu'il est aussi fort que le singe.
que j'aurais tendance à rapprocher de "L'habit ne fait pas le moine".

Mais le plus beau, en tout cas le plus drôle, est venu de notre contact sur place. Nous étions dans la voiture en direction du restaurant, branchés sur RFI. On a beau dire, pour une radio internationale, ça parle beaucoup de la France. Et notamment de l'Affaire Bettencourt.

Ce qui intéresse notre interlocuteur -un homme passablement riche- c'est que la Dame a quand même donné un milliard d'euros à François-Marie Banier. Apparemment le monsieur est homo, mais ça on ne le savait pas sur le moment. Du coup, la seule conclusion rationelle s'impose:
"C'est le péni' le plus cher du monde!"

mercredi 15 septembre 2010

Zai zai zai zai

Deng Xiaoping m'avait prévenu que l'aéroport de Ouaga était assez unique. Effectivement, je ne suis pas déçu: c'est un peu comme si le batîment avait été soufflé par une explosion et qu'il n'en resterait que les quatre murs et le toit. On pourrait arguer qu'il est en (re)construction, mais il n'y a pas ou peu d'échafaudages.

Une petite table en bois est posée à l'entrée, où deux douaniers contrôlent les papiers des voyageurs avant le coup de tampon du guichet (en bois) situé 3m plus loin. La récupération des bagages se fait dans un... hmmm.... hangar au milieu duquel est posé un tréteau de 30cm de haut. Au bout de 10 minutes, deux hommes tirant une gigantesque cariole de bagages entrent dans la pièce et commencent à les décharger devant nous. C'est finalement plus simple et aussi plus rapide que le tapis roulant de l'aéroport de Dakar (ou de Ciampino, maintenant que j'y pense).

Arrivés à l'hotel, Joe Dassin passe en boucle dans la stéréo du lobby. A 18h00, le soleil se couche déjà.

Bienvenue au Burkina!

mardi 14 septembre 2010

Un de plus

Bon, ce coup-ci je ne suis même pas surpris: on a un nouveau haut-fonctionnaire qui a déclaré à un collègue que "s'il n'y a pas d'argent, [il] ne bougera pas".

Bon, au moins c'est franc. Malheureusement pour lui, on n'a pas de sous (en tout cas pas pour ça) et en plus on avait prévu le coup en allant voir ses collègues à l'avance. Et eux non seulement bossent proprement, mais en plus ils ne peuvent pas l'encadrer.

J'en connais un qui va passer un mois de merde.

dimanche 12 septembre 2010

J'ai testé pour vous

Ce vendredi s'achevait au Sénégal le Ramadan - par la célébration qu'on appelle ici la Korité.

Rien de spécial à en dire, on fait une grosse bouffe et on s'envoie des voeux, un peu comme au nouvel an.

Par contre du coup je peux tirer un petit bilan beaucoup plus significatif du Ramadan, auquel je me suis essayé - en tout cas les jours de semaine- pour être solidaire avec mes 80% de collègues musulmans. Le résultat, c'est qu'on en tire de bonnes et de mauvaises choses:
  • En terme de rythme, de vie c'est grossièrement nuisible à la santé, j'en suis convaincu et en dépit de toutes les dénégations de mes collègues: le réveil avant le lever du soleil, la soif (surtout vu la température locale, et encore moi j'ai la clim'), bof. Je ne compte pas le nombre de collègues femmes qui ont du prendre un break pour cause de baisse de tension ou vertiges. Côté mecs, apparemment d'après le journal les restos étaient de nouveaux pleins après dix jours de jeûne (sur 28). Il y a même une expression pour décrire ceux qui mangent discrètement tout en prétendant faire tout selon les règles: worou galé. Le Sénégalais est pragmatique;
  • Par contre la sensation de faim est très gérable - ce n'est pas comme si sauter un repas était quelque chose d'exceptionnel non plus, hein;
  • Point positif, en tout cas pour un toubab, c'est que tout le monde à adoré le fait que je jeûne. J'ai marqué plus de points d'intégration que tous les autres expats réunis;
  • Mais le top du top, c'est que beaucoup de gens mâchonnent un sotchou à longueur de journée: il s'agit d'un bâtonnet en bois censé servir de coupe-faim / cure-dents géant. Avec ça au bec et pour 25 ou 50 CFA, j'ai passé un mois de rêve où le nombre de locaux venant me casser les burnes pour me vendre quelque chose à quatre fois son prix a diminué drastiquement. En gros ce bâtonnet, c'était ma carte de visite géante annonçant "Je suis du coin, alors viens pas me faire chier.
Rien que pour ce dernier point, le Ramadan va me manquer.