vendredi 22 octobre 2010

Degué nga toubab?

En wolof, "parles-tu français?" se traduit littéralement par "parles-tu le blanc?". Être une minorité visible, pour ce que j'en ai vu au Sénégal et plus généralement en Afrique de l'Ouest, ça vient avec ses avantages et ses inconvénients.

Premier inconvénient: blanc = vache à lait. Il faut négocier comme un animal sur tout, même les légumes au marché parfois. Deuxième inconvénient, côté boulot cette fois, c'est que les locaux, quand ils sont de l'autre côté de la table gouvernementale, ont tendance à vouloir montrer que ceux qui commandent, désormais, c'est eux. La crédibilité d'un toubab est proche de zéro, parce que la crédibilité ici ne se mesure pas aux capacités techniques ou intellectuelles mais au degré de proximité qu'on peut établir avec son interlocuteur: être de la même famille ou ethnie, pouvoir passer du français à la langue vernaculaire, apprendre à gérer les petits signaux propres à la culture locale (l'humour, les salamaleks, le temps extensible par exemple). Et ah, oui, être de la même couleur.

Mais quand on est blanc on a aussi des avantages: le blanc est bête et se fait régulièrement rouler dans la farine, mais le blanc ne triche pas. Pas comme un africain tricherait en tout cas, c'est à dire en s'essayant par exemple à la petite contrebande. Encore moins s'il porte un costume. C'est comme ça que je passe régulièrement les contrôles douaniers à l'aéroport avec rasoir et liquides en quantité dans le bagage à main, qu'on me fait remarquer sévèrement "que ça va pour cette fois mais attention, hein", alors que dans le même temps tout l'avion se doit de déballer l'entier de son équipement - aucune exception n'est tolérée, au revoir parfums et lots de montres!

A l'autre bout du spectre de l'attention douanière, on a les Chinois. Le Chinois est industrieux, il est travailleur, il arrive avec la compagnie de travaux publics mais ne repart pas après que le bitume ait séché. Le Chinois s'installe et a tôt fait de voler le travail des commerçants locaux. Même les Libanais commencent à se faire du soucis, c'est dire. Au Mali c'est bien simple, ils sont carrément interdits d'activités de négoce: les restos oui, les épiceries non.

Le Chinois, quand il s'apprête à prendre l'avion, a également droit à un traitement spécial: on l'entraîne dans une pièce à part et on le met en slip. Parce que sinon le Chinois, ses devises durement gagnées, il les exporte. Et dans une région qui doit compter chaque dollar qui rentre et qui sort, il faut bien reconnaître que ça crispe un peu les gens.

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