samedi 2 octobre 2010

Le nègre

Le QG a une idée géniale: on va faire une campagne de presse pour sensibiliser les gens à nos problèmes de toubabs.

Rappel sommaire et plein de clichés vrais: la presse africaine, pour ce que j'ai vu, n'est pas de la meilleure qualité. Au Sénégal par exemple on trouve difficilement une édition qui ne parle en première page et Grosses Lettres d'un énième scandale de sexe ou corruption, ou de catastrophes naturelles - le tout enveloppé dans du chien écrasé. Le dernier canard béninois que j'ai feuilleté parlait de résurrection des morts en première page (le Bénin est la patrie du vaudou). Une technique bien rodée consiste aussi à sortir 2-3 papiers incendiaires et demander une "participation" au sujet (ONG, entrerprise, agence internationale ou personnalité publique) pour publier un rectificatif.

Voila pour le contexte. Une presse de mauvaise qualité, qui fait son fond de commerce sur l'émotionnel et tire à boulets rouges sur tout ce qui est blanc et refuse de payer. Autant dire que jusqu'à présent moins on les voyait, mieux on se portait. Le Citron, qui gère la Communication, n'a d'ailleurs jamais parlé à un journaliste de sa vie: mieux vaut se faire accuser d'avoir tué Kennedy une fois tous les trois mois et ne rien dire, que mettre les doigts dans un engrenage pour lequel on n'aura jamais assez de budget et d'avocats.

Mais le QG insiste, la-campagne-sera-mondiale-c-est-important, ça devient difficile de dire qu'on va rester les bras croisés plutôt que d'encourager quelqu'un à comprendre la moitié de ce qu'on lui explique et nous demander des sous pour cela. Deng Xiaoping et l'Oncle Bens décrochent donc leur téléphone pour appeler des copains journalistes et leur demander de placer des articles pour eux. Pas de problème, ici on peut faire beaucoup de choses (tout, en fait) pour un ami.

Et c'est comme cela que je suis devenu nègre. J'ai écrit un article, décliné l'objet en trois-quatre variations pas totalement identiques, et ils sont expédiés pronto aux amis susmentionnés. J'avoue être presque flatté du commentaire de l'un de nos contacts: "Présente très bien le sort des paysans africains, prêt à l'emploi" (je suis d'avis qu'il faut toujours placer un paysan africain quelque part). 48h plus tard et ma prose apparaît quasi-inchangée dans six journaux de quatre pays différents.

Je m'appelle donc Ould, François, Haoua, et La Rédaction.

Deng ne veut cependant pas que le QG découvre combien c'était facile, ils pourraient revenir à la charge pour nous en demander plus (et on garde peu d'amis si on doit leur demander un service toutes les 2-3 semaines). Il s'est donc arrangé pour que d'autres contacts sur place lui envoient un amical email du genre "Je lisais innocemment la presse ce matin quand je suis tombé sur cet article qui pourrait t'intéresser." On les distillera au cours des prochains jours.

2 commentaires:

Salomon a dit…

Et on peut avoir copie de ladite prose ?

Jean François de Galaup a dit…

A ton avis?