lundi 21 juin 2010

Le tonneau des danaïdes

Aujourd'hui, première excursion sur le terrain, histoire de voir à quoi ressemble le Vrai Sénégal (celui avec des Sénégalais, donc, par opposition à celui de vendredi soir avec ses Françafricains). J'ai droit au grand tour avec un gars dont je passe quatre heures à essayer de me souvenir du prénom (on me présente cinq personnes d'un coup, je sature au bout de trois noms, c'était le quatrième!).

Bon, que dire? Je crois honnêtement que je commence à avoir pas mal bourlingué dans ma vie, et j'ai vu des coins vraiment, vraiment pas brillants. Des États en déliquescence ou parmi les moins avancés. Des bidonvilles, des réfugiés. Mais c'est bien la première fois que j'ai l'impression que le modèle occidental de développement (on parle ici de son mode de vie au sens large, basé sur la notion de progrès inéluctable basé sur la Raison, pas de bête consumérisme) est une greffe qui ne prend pas partout.

Les rues de la banlieue, quand elles sont goudronnées, sont envahies par un sable fin qui s'infiltre partout. Les gens s'entassent dans des maisons qui ne ressemblent à rien, n'ont d'autre industrie que d'élever des chèvres maigrelettes. Pas d'ordre, de services publics apparents; des infrastructures déglinguées, des écarts de richesse entre Sénégalais complètement surréels. La zone.

Une impression de surpeuplement surtout, qui fait qu'on se demande ce que vont pouvoir faire tous ces jeunes pour vivre dans quelques années, à part courir sur la plage comme on les voit sur depuis la route de la Corniche. Quel avenir peut-on leur offrir dans ce paysage desséché? J'avoue que j'ai essayé d'imaginer ce que pourrait être la Dakar de 2040, en y mettant tout l'argent nécessaire, en remplissant ce tonneau des danaïdes de l'aide et de l'investissement. Eh bien, même avec les yeux fermés c'était toujours trop de monde, de sable, d'ordures, de pauvreté. On me dit que la polyo fait son grand retour dans les campagnes. Il y a des villes entières qui n'envoient pas leur gamins à l'école publique mais juste dans des madrasas, pour qu'ils y apprennent le Coran.

Ils ne sont vraiment pas sortis de l'auberge. Et moi j'ai vraiment eu l'impression d'être un touriste de 18 ans qui découvrait le monde réel.

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